Que vendez-vous ? Réflexions autour des prix…

Je profite de cette journée de Mai, donc sans grande action au niveau du travail, pour écrire ce billet que j’ai en mode brouillon depuis longtemps. Le sujet du jour sera donc la vente, mais pas du point de vue techniques de vente.

C’est largement inspiré par de très nombreuses discussions avec les confrères que j’ai eu l’idée de ce billet. Pour tout vous dire, l’élément déclencheur a été une discussion qui s’est reproduit plusieurs fois avec plusieurs personnes différentes et qui visaient toutes à répondre à la question : « je suis blindé de boulot, mais je ne gagne pas bien ma vie, Sylvain qu’est-ce que tu en penses ? ». La réponse canonique que font tous les vieux briscards (et que j’ai fait conjointement à Laurent Bourrelly à un plus jeune que nous à VEM7) est « il faut augmenter tes tarifs ». Partant de là, j’ai réfléchi et je vous présente aujourd’hui le fruit de ma réflexion, car je pense qu’il faut aller au delà de la simple augmentation de prix et plutôt réfléchir à ce que l’on vend.

Avant de penser au marketing, il faut penser à faire le commercial, et pour aller au delà du diptyque synchronisation – théorie de l’engagement, je vous propose de réfléchir à une analyse en amont du type de besoin client auquel vous répondez. Selon le type de besoin, vous ne vendez pas la même chose, et sans vous en rendre compte vous êtes en train de manipuler un levier pour choisir vos clients et gagner plus.

Selon moi, voici les trois types de choses que vous pouvez vendre (quand vous êtes dans le même type de métier que moi, qui mêle informatique, conseil, formation, etc.).

  • Vendre du TEMPS

Le schéma le plus standard, qui vient du milieu du conseil, est de vendre son temps. Pas mal de SEOs font ça, les formateurs en présence aussi, les agences aussi, etc. Le problème de la vente de temps est qu’on peut devenir assez rapidement esclave de son travail et qu’on n’a plus le temps de se former, de faire de la R&D et qu’on va donc vers l’épuisement.

Par ailleurs, il n’y a qu’un seul levier pour choisir ses clients et gagner plus : augmenter son tarif journalier. Le choix des clients ne sera alors pas par rapport aux missions, mais juste par rapport au budget, et l’augmentation du tarif journalier n’est pas sans limite. Si on prend l’exemple des meilleurs SEOs, le niveau haut se situe plutôt autour d’un TJM de 1000 euros, il y a donc une vraie barrière pour qui veut de très gros revenus. Lors de mon passage dans des métiers plus rémunérateurs (du conseil RH/technique), le record que j’ai vu pour un cador absolu de son domaine, c’était 3000 euros par jour, une somme très substantielle, mais très loin de ce que gagne les grands capitaines d’industrie.

  • Vendre des PRODUITS

Vendre des produits, c’est le schéma du commerce « normal », mais dans nos domaines « virtuels », c’est le moyen de se créer des revenus récurrents à forte marge. Dans le domaine des SEOs, c’est là qu’on trouve la vente d’ebooks, ou encore plein d’outils (par exemple, YourTextGuru rentre dans ce schéma).

Bien sûr, le résultat dépend du volume, et on rentre là dans des problématiques plus proche du marketing que de la vente, car vendre en one to one des produits à quelques euros est un no brainer. Mais si on fait abstraction de cela, on a maintenant plusieurs leviers : le prix des produits, le niveau de technicité, et même tout simplement le service que fournit le produit.

Parfois, catégoriser n’est pas facile : est-ce qu’une formation est un produit ou une vente de temps à un prix variable car dépendant du nombre de formés ? Dans le cas des formations dites « des frères Peyronnet » c’est de la vente de temps car le produit ne peut pas être instancier par d’autres formateurs, mais dans le cas d’une formation SEO générique, on est plus sur la vente d’un produit.

La limite de gain va dépendre de la surface de marché et de la capacité qu’on va avoir à s’adresser à ce marché. Par exemple, un produit pour SEOs freelance en France a un potentiel de clientèle autour de 1000 personnes environ, si c’est un produit pour agences c’est moins, si c’est pour tous les webmasters dans toutes les langues alors the sky is the limit^^

  • Vendre de la VALEUR

Vendre de la valeur c’est le modèle économique derrière les ix-labs, qu’on a poussé à son paroxysme. La valeur, c’est ce qu’on va gagner grâce à ce qu’on achète moins ce que nous coûte la chose en question. Attention, je ne parle pas de vendre PAR la valeur, qui est en fait mettre en avant la valeur d’utilité d’un produit lors d’une opération commerciale ou marketing, mais bien de vendre directement cette valeur.

Nuance ? oui et non, c’est bien plus que ça. Quand on vend de la valeur on vend la promesse que la prestation associée va être une certaine forme de game changer pour le client. Vendre de la valeur c’est donc typiquement ce que l’on vend quand on est un labo de R&D, car l’innovation est un levier de croissance très fort pour le client.

Comment pricer cette valeur ? c’est là que les choses deviennent complexes, et pour moi il n’y a que deux possibilités, qui ne s’excluent pas mutuellement (on peut faire un mix des deux).

La première possibilité est le forfait : on est payé pour réfléchir à comment créer de la valeur chez le client, ça marche ou pas (bon, si ça marche jamais on ne gardera pas longtemps les client). Vous noterez que c’est le modèle que l’état utilise majoritairement pour le fonctionnement de la recherche publique : les chercheurs sont payés de manière forfaitaire. A ce propos, le financement par projet va a l’encontre de la notion de vente de valeur, et n’a sans doute aucun sens et aucun avenir à cause de cela.

La deuxième possibilité pour mettre un prix sur le potentiel de valeur est de gommer le risque du client en faisant du revshare (partage de revenu) ou un mécanisme de licence. Concrètement vous ne facturez pas votre temps de réflexion/conception, mais vous touchez un pourcentage (substantielle) de la valeur réellement créée par votre travail. C’est un mécanisme apprécié par les plus petites structures qui ne peuvent pas risquer leur petite capitalisation, qu’on retrouve également lorsque plusieurs personnes s’associent pour faire de la co-création.

Si vous le pouvez, d’un point de vue métier et d’un point de vue risque, c’est dans la vente de valeur, avec un mix petit forfait – gros revshare, que vous pourrez avoir VOTRE game changer, pensez-y 😉

Voilà, j’ai fait le tour de ma (petite réflexion), et vous, que vendez-vous ? N’hésitez pas à me le dire dans les commentaires.

 


Commentaires

4 réponses à “Que vendez-vous ? Réflexions autour des prix…”

  1. « Difficile » pour le client de ne pas faire le rapprochement entre VALEUR.forfait et le temps que tu vas y passer, d’ailleurs dans la deuxième partie, tu notes « vous ne facturez pas votre temps »

    Je suis d’accord sur le revshare, c’est un modèle qui peut être très intéressant si le client joue le jeu de la mise en valeur de la tienne justement, et d’expérience 80% du temps, ce n’est pas vraiment le cas, tout le monde ne mouline pas à la même vitesse et avec les mêmes objectifs ( j’ai abandonné définitivement, enfin je crois… 🙂 )

    Quand on facture du temps (je fais si le sujet m’intéresse), la plupart des gens se plantent car ils n’ont pas les bons metrics ( h**p://www.nicolasjean.fr/combien-je-facture/ , c’est vieux et je ne me suis pas relu, mais c’est toujours valide ), soit prendre son revenu annuel comme étant 400 x son taux horaire ( le reste passant en temps « mort » et charges ), les ajustements se faisant sur le remplissage et les heures sup’.

    Vos formations vous prennent du temps, mais c’est un produit, il n’y a pas de différences majeures entre ce qui est délivré aux 40 personnes dans la salle, cela vous prend du temps, mais on n’est pas à la superette 🙂 la plupart des ventes de produits prennent un peu de temps quand même ( avant vente, sav … ). On est un peu au milieu produit/presta… 🙂

    Pour un indép. une partie de ses prestas doivent être vendues comme des produits s’il veut durer. Dans un audit, il y a un produit customisé, heureusement que le 50eme prend moins de temps que le 1er, et pourtant il mérite surement d’être vendu plus cher bien qu’il ait pris 4 fois moins de temps à faire. Et même si c’était le même au même prix, quelle justification pour la durée passée (à 2j le gars est bien lent, à 4h, il a baclé ?!) ?

    endless 🙂 (enfin que depuis 13ans pour moi 🙂 )

  2. Chez nos voisins du nouveau monde, il y a Brennan Dunn (https://doubleyourfreelancing.com/) qui en a fait son positionnement : comment vendre de la valeur en tant que freelance.
    Très intéressant à lire pour pousser un peu plus loin la réflexion.

  3. Bonnes réflexions, mais pas toujours lié à notre marché, toi qui critique « nos » dirigeants qui sont bien loin de la société, tu n’as pas vu l’étude du SEO Camp qui annonce un salaire moyen de 35 877€ brut avec 48k€ pour ceux qui ont plus de 10 années d’expérience. 😉

    Avec 1000€/jour cela fait déjà une belle somme (et déjà être dans les 1% des SEO et 10% les mieux payé en France) et pour faire plus, mieux vaut lancer son propre business ou ventre quelque chose que faire du conseil. Le SEO a ses propres limites, il faut offrir plus si on veut évoluer, que cela soit financièrement ou intellectuellement.

    Pour finir, je rejoins l’avis de Nicolas, le revshare n’est valide que quand tout le monde joue le jeu et cela ne m’est jamais arrivé… je préfère avoir un paiement fixe et sûr (au pire, on peut en général compter sur le tribunal de commerce…).

  4. Il est vrai qu’il est très important de fixer ses prix en fonction des paramètres que vous décrivez dans votre article, afin de ne pas vendre à perte et d’être aussi compétitif…