Télétravail, travail à distance, travail à la maison

Avec la période du confinement on a beaucoup eu l’occasion d’évoquer les problématiques autour de la notion qui semble floue pour beaucoup de télétravail et de travail à distance/à la maison. « Evoquer », « notion floue », je n’utilise pas ces mots par hasard, il y a clairement une compréhension très diverse de tout ça, ce qui m’a permis de me prendre la tête périodiquement avec pas mal de monde à ce sujet (c’est aussi à ça que servent les réseaux sociaux d’ailleurs).

Pour commencer je vais bien entendu partir de l’anecdotique et donc de mon expérience personnelle. Vu les différents métiers que j’ai pu faire depuis ma prime jeunesse (hors la poissonnerie), je fait du travail « où je peux » depuis toujours et ça m’a toujours bien plu. Et quand j’ai quitté l’Université pour monter les ix-labs, je tenais à avoir des bureaux, mais aussi à avoir la flexibilité maximale (pour bosser en voyageant, pour que les collaborateurs puissent choisir leur mode de travail, etc.).
Les ix-labs, c’est une entreprise qui est en mode télétravail pour tout depuis toujours (tout sauf les formations que nous avons choisi jusqu’ici de faire en présence, ce qui va changer au moins en partie prochainement). Pourtant nous avons toujours eu des (grands) bureaux. Nous avons également le choix d’être dans les bureaux, chez soi, ou ailleurs pour travailler.

Comment est-ce possible ? Car l’entreprise est organisé en télétravail. C’est mon premier point : le télétravail ce n’est absolument pas une caractéristique de la localisation d’un travailleur, c’est d’abord un mode d’organisation d’une entité. Le mode télétravail c’est faire en sorte que la localisation de chacun ne soit ni un obstacle ni une nécessité à toutes les tâches qui ne sont pas physiquement attachées à un lieu (les activités de la plupart des artisans, des ouvriers, des commerçants, ne sont donc pas compatibles avec ce mode d’organisation).

Dans certains secteurs très tertiarisés c’est donc possible dans des proportions conséquentes. Et cela passe par la mise en place de routines pensées à l’avance. Une des premières choses c’est les modes de communication : gommer l’importance de la localisation cela veut dire rendre asynchrone la quasi totalité des communications. Cela a un bénéfice évident quand chacun est à un bout de la planète, avec des rythmes différents, mais cela a aussi un intérêt quand on est dans le même bureau : on peut éviter de s’interrompre à tout va (les développeurs comprendront immédiatement l’intérêt). Une deuxième chose est de raisonner en tâches et plus en temps (avec alors la difficulté nouvelle de bien calibrer les charges de travail). Une troisième chose est de construire un nouveau modus operandi/vivandi pour éviter les interférences vie au travail versus vie privée.

Il y a bien entendu un impact en terme d’outils, car qui dit nouvelles routines de travail dit outils dédiés. On parle partout des outils de visioconférence comme étant emblématique du télétravail. Allez je le dit : C’EST DU PIPEAU. Remplacer des réunions laborieuses tous dans la même petite salle par des réunions encore plus laborieuses (logiciels de visio buggés, mauvaise cam, micro basique, chat qui miaule, enfants en embuscade, etc.) n’est pas faire du télétravail, c’est juste faire la même chose en plus pénible.

C’est pareil pour la formation : nous avons toujours privilégié la présence, plus adapté à nos habitudes pédagogiques. Nous sommes en train de revoir notre offre pour pouvoir former à distance. Cela impose de revoir nos méthodes, c’est un gros travail qui ne se fait pas en 1 mois, ni même 2 mois, si on a pas réfléchi à l’avance à une multitude de détails. On ne peux pas juste prendre les slides utilisés au videoproj, et mettre le tout dans zoom et commencer à parler. En faisant ça on pallie au plus pressé, mais en mode clairement dégradé.

L’avantage d’une organisation pensée « télétravail », c’est souvent qu’elle va avec des plans de contingence pour pas mal de soucis. Après quelques mois de télétravail (en régime normal), on va avoir eu une multitude de micro-problèmes (par exemple un enfant ou deux malades pendant une journée, plus de connexion, un collaborateur qui ne donne pas de signe de vie pendant quelques heures) et soit on aura décidé de faire revenir tout le monde au bureau (ça arrive dans des grandes boites pas très « agiles »), soit on aura un plan de contingence.
Dans le confinement, un certain nombre de boites n’ont pas été autant affectées que d’autres du même secteur, c’est souvent parce que justement ces micro-plans pouvaient s’étendre à plusieurs jours, ce qui sans permettre de travailler totalement normalement a pu permettre de maintenir le bateau à flots.

Dans d’autres domaines (je pense en particulier à la fonction publique que j’ai pu observer en action jour après jour dans la pièce d’à coté) les structures n’ont jamais fait ce changement de mode de travail, ce qui a posé des problèmes extrêmes : ceux qui à juste titre ne pouvaient pas bosser ou très peu (parents de jeunes enfants par exemple) ont été totalement mis hors du coup, avec arrêt des activités associées assez souvent et au retour le sentiment d’être au final inutile, d’autres passaient la moitié de la journée en réunion à donner des tâches et à synchroniser des personnes qui ne savaient pas gérer leur travail en autonomie, etc. Certaines entreprises se sont effondrées de l’intérieur et ont perdu totalement ou presque leur activité.

Au final, ce qui est à mon sens le plus dommageable c’est que maintenant la plupart des gens pensent que le télétravail c’est ce qui s’est passé pendant le confinement. J’espère que vous serez d’accord avec moi que ce n’est pas le cas : la plupart des travailleurs qui étaient chez eux ont travaillé à la maison, c’est le même travail qu’avant, mais à distance. Le télétravail ça aurait été de réaliser les mêmes livrables, mais en travaillant différemment.

Pour finir, comment on sait qu’on est dans une entreprise qui « télétravaille » ? Une fois qu’on a l’équipement matériel et logiciel, c’est très simple : si on peux faire son boulot depuis n’importe quel endroit à n’importe quel moment de la semaine et de la journée, sans que l’entreprise ne soit ralenti dans son activité, alors on est dans un endroit qui a fait sa mutation en terme d’organisation du travail.

Voilà, c’est fini pour cet article, les commentaires sont possibles, avec politesse et courtoisie bien entendu 😉

Un commentaire on "Télétravail, travail à distance, travail à la maison"

  • Yann says

    Bonsoir Sylvain,

    je suis bien d’accord, j’ai un parcours professionnel « dans les TIC » alternant télétravail et travail sur site. Le « télétravail du confinement » a ouvert les yeux et permis à beaucoup de réaliser « que c’était possible », et je trouve que c’est déjà un grand pas en avant. Je ne prône pas l’un au détriment de l’autre, je pense que c’est une possibilité supplémentaire.

    Ensuite chacun à sa façon d’appréhender ce « nouveau » mode de travail. Certains se réfugient derrière l’excuse des enfants pour expliquer leur inefficacité, d’autres ne savent pas comment gérer ni manager et tombent soit dans l’excès du flicage extrême, soit au contraire se murent dans le silence…

    Pour avoir suivi deux de vos formations en présentiel, je suis curieux de savoir si la transmission sera aussi riche en distanciel; non pas en terme de connaissances directement liées au fil des sujets (suivant la trame du parcours de l’apprenant) mais plutôt en transfert de connaissances (pas forcément compétences) pas toujours faciles à associer.

    Comme je l’ai rédigé dans mon avis sur votre prestation à Guillaume et toi, j’avais énormément apprécié les apartés et autres digressions, qui ne sont pas toujours en lien direct avec le sujet, mais permettent d’élargir sa vision/ compréhension d’un sujet.

    C’est en tous cas mon mode de fonctionnement.

    Avec l’entraînement, certaines de ces digressions finissent pas faire partie intégrale de la formation, et d’autres sont rejetées.

    Dommage sans doute.

    Pour avoir été également formateur en présentiel et distanciel, l’expérience m’amène à penser que la contrainte horaire de la formation en visio réduit ce genre de moments « bonus ».

    Quand l’apprenant à fait l’effort de venir aux IX-labs, ou que vous avez fait l’effort de venir à Nantes, il y a toujours ces échanges « hors cours » comme le before, le(s) repas, l’after avant le retour. Beaucoup d’occasions de parfaire sa compréhension d’un sujet.

    Ma conclusion serait que le télétravail peut être largement suffisant dans bien des domaines (tâches précises, reporting, support, audit…), mais sans doute pas totalement satisfaisant dans le cadre de la transmission de connaissances.

    Voilà, désolé pour le pavé en ce dimanche soir ^^